Insaisissabilité des biens : comprendre la protection légale des biens et revenus

Publié le 23 septembre 2025

L’insaisissabilité des biens permet au débiteur de conserver certains actifs essentiels malgré les recours des créanciers. Ce mécanisme protège, par exemple, les meubles nécessaires à la vie familiale, les instruments de travail ou une partie des revenus. Il ne supprime pas totalement les droits des créanciers, mais fixe des limites claires pour préserver la dignité du débiteur et l’équilibre entre subsistance et exécution des dettes.

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L’insaisissabilité constitue un mécanisme juridique essentiel visant à soustraire certains biens ou revenus du débiteur à l’exécution forcée par ses créanciers. Elle repose sur l’idée qu’un équilibre doit être maintenu entre, d’une part, le droit des créanciers d’obtenir paiement de leurs créances, et d’autre part, la nécessité de préserver pour le débiteur et sa famille les moyens indispensables à leur subsistance et à l’exercice d’une vie normale. L’insaisissabilité peut être prévue directement par la loi ou résulter d’une convention, et elle se décline en insaisissabilité relative, à laquelle le débiteur peut renoncer, ou en insaisissabilité absolue, qui s’impose sans possibilité de renonciation.

1. Distinction entre l’insaisissabilité légale et l’insaisissabilité conventionnelle

L’insaisissabilité légale est prévue directement par la loi, notamment par le Code civil du Québec, le Code de procédure civile ou encore la Loi sur la faillite et l’insolvabilité.

L’insaisissabilité conventionnelle, pour sa part, découle d’une stipulation contractuelle respectant les conditions légales.

2. Insaisissabilité relative et insaisissabilité absolue

On distingue l’insaisissabilité relative, qui permet au débiteur de soustraire certains biens à la saisie ou de choisir lesquels seront exclus. Elle peut être renoncée.

L’insaisissabilité absolue s’impose toujours, sans possibilité de renonciation. Cette dernière repose sur le principe que certains biens sont nécessaires à la vie du débiteur et de sa famille, ou encore indispensables à l’exercice de sa profession.

Les biens qui peuvent être soustraits à la saisie à la demande du débiteur

Certains biens peuvent être soustraits à la saisie si le débiteur en fait la demande :

Certains meubles (art. 694 al. 1 C.p.c)

Pour qu’un meuble soit déclaré insaisissable, quatre conditions doivent être respectées :

  • Le bien doit garnir la résidence principale (art. 77 C.c.Q);
  • Il doit servir à l’usage du ménage ou de la famille dans le cadre de la vie domestique;
  • Il doit être nécessaire à une vie normale;
  • L’ensemble des meubles insaisissables doit avoir une valeur inférieure à 7 000 $.
L’évaluation de ces biens relève du pouvoir discrétionnaire de l’huissier, mais elle peut être contestée conformément à l’article 701 C.p.c

Les instruments de travail (art. 694 al. 2 C.p.c)

Quatre conditions doivent également être réunies :
  • Il doit s’agir d’un instrument de travail;
  • Cet instrument doit être nécessaire (essentiel/indispensable);
  • Il doit servir à l’exercice personnelle de l’activité;
  • Il doit servir à une activité professionnelle, artistique ou libérale;

Les biens déclarés insaisissables expressément

Certains biens sont protégés par une disposition expresse de la loi :

1. Véhicule (art. 695 C.p.c)

Le véhicule est insaisissable lorsqu’il est essentiel au maintien du revenu du débiteur ou à une recherche active d’emploi. De plus, il reste insaisissable s’il est nécessaire pour assurer la subsistance du débiteur, ses soins de santé ou son éducation. Il peut aussi être protégé lorsqu’il sert à soutenir l’éducation ou les besoins essentiels des personnes à sa charge.

Cependant, l’huissier conserve un pouvoir d’appréciation et peut vérifier si le débiteur dispose d’autres moyens de transport.

2. Revenus (art. 698 C.p.c)

Les revenus du débiteur sont saisissables seulement en partie, selon la formule (A-B) x C.

La lettre A vise les revenus du débiteur. Il s’agit des salaires, honoraires, rentes, prestations de retraite, etc. Certains revenus sont toutefois exclus du calcul.

On déduit ensuite un montant (B) pour la subsistance du débiteur et de ses personnes à charge. Ces montants sont fixés annuellement par le ministre et correspondent environ à :

- 373 $ par semaine pour le débiteur

- 149 $ pour la première personne à charge

- 75 $ pour chaque autre personne à charge

Le taux en C normal est de 30%. Il est toutefois de 50% si la saisie vise une dette alimentaire, une prestation compensatoire ou le partage du patrimoine familial.

3. Résidence principale

En principe, elle est insaisissable. Toutefois, la saisie demeure possible dans certains cas, notamment pour :

  • L’exécution d’une créance alimentaire ;
  • L’exécution d’une autre créance d’au moins 20 000 $, excluant les frais de justice ;
  • L’exécution d’une créance garantie par une priorité ou une hypothèque. Dans ce dernier cas, lorsque l’hypothèque découle d’un jugement, le montant doit être d’au moins 20 000 $, à défaut de quoi son inscription ne vaut qu’à titre conservatoire.

L’insaisissabilité conventionnelle

L’article 2649 C.c.Q., combiné à l’article 696 al. 2, par. 2 C.p.c., permet au débiteur de rendre un bien insaisissable par convention, sous réserve des conditions suivantes :

  • La stipulation doit être temporaire (généralement pour une durée inférieure à 30 ans);
  • Elle doit être faite dans un acte à titre gratuit;
  • Elle doit être justifiée par un intérêt sérieux et légitime (par exemple, conserver un bien au sein de la famille);
  • Elle doit être publiée dans le registre approprié.
Une telle stipulation rend le bien insaisissable à l’égard des créanciers antérieurs à la publication. En principe, elle le rend aussi insaisissable pour les créanciers subséquents. Cependant, le tribunal peut autoriser une saisie partielle ou le débiteur peut renoncer expressément à l’insaisissabilité. Cette renonciation peut se faire par une vente, une donation, une hypothèque ou une déclaration claire de renonciation.

Conclusion

En somme, l’insaisissabilité n’exclut pas totalement les créanciers de leur droit à l’exécution. Toutefois, elle établit des limites claires afin de protéger la dignité et la stabilité de la vie du débiteur. Ainsi, en encadrant les biens et revenus qui peuvent ou non être saisis, le législateur maintient un juste équilibre. Cet équilibre vise à concilier l’efficacité des recours des créanciers avec la protection essentielle du débiteur et de sa famille.

Si vous souhaitez savoir si vos biens ou revenus peuvent être protégés par l’insaisissabilité, notre équipe peut vous conseiller. Contactez-nous dès aujourd’hui pour obtenir un accompagnement adapté à votre situation.

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